Les Guerriers du Soleil Levant
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Ses moeurs

En plus de se distinguer par des attributs physiques liés à son équipement, le samouraï se caractérisait par l'adhésion à certaines mœurs.

La Religion

Bien sûr la religion n'était pas typique du samouraï. Tous les habitants du Japon pratiquaient une religion. Les japonais ont toujours eu tendance à s'approprier, à «japoniser», rapidement certains éléments des cultures avec lesquelles ils entraient en contact. La Chine fut la plus importante source d'inspiration pour nous, et ce, depuis de nombreuses générations.

Cette promptitude du peuple japonais à syncrétiser les croyances s'expliquerait en partie par le fait qu'avant l'arrivée du christianisme au Japon, au XVIe siècle, les japonais se refusaient à nommer un absolu, c'est-à-dire à prétendre qu'une seule religion était l'explication exacte du monde. Ils préféraient puiser ça et là des éléments religieux qui constituèrent leur unique panthéon.

Si les orthodoxes occidentaux furent choqués, eux, si habitués à leurs croyances univoques et dogmatiques, c'est qu'ils ne virent pas tous les avantages qu'une telle pratique constituait. Cette rigidité religieuse fut une des raisons qui mena mon peuple à persécuter les chrétiens, mais je reparlerai de cela plus tard. Si certaines croyances paraissaient contradictoires, les japonais ne s'en formalisaient guère. Ils croyaient au contraire que de deux vérités apparemment antagoniques pouvait naître une troisième vérité supérieure à celles-ci. Pour ma part, je considère notre tendance à retirer le positif d'éléments à l'apparence parfois incompatible comme une grande force d'adaptation. La caste guerrière n'échappa pas à cette tendance. Pour un guerrier, la polyvalence est un atout et, souvent, synonyme de survie.


Le ZEN

Le bouddhisme chinois pénétra graduellement au Japon et devint petit à petit le zen japonais. Au Japon, les notions de méditation des bouddhistes étaient déjà bien connues avant l'arrivée des sectes zen. Mais la pratique du zen, comme une des religions officielles, se popularisa lorsqu'un religieux [nommé] Tendai, (...) de retour de Chine, (...) fonda des monastères au Japon afin d'y former des disciples adeptes des méthodes zen au XIIIe siècle . Pour la caste guerrière, les longues séances méditatives exigeant un long temps de silence et d'inertie ne firent pas fureur. Cependant un autre aspect allait charmer de par son utilité directement applicable à la vie guerrière. Le total détachement de soi, nécessaire pour atteindre la «suprême» réalité, plut à de nombreux guerriers de haut rang qui y puisèrent un art de se battre aussi bien qu'un art de vivre et de mourir, sans trop se soucier des préoccupations de ce monde . Les maîtres zen prétendaient que celui-ci était indéfinissable par des mots, qu'il fallait expérimenter le zen pour le comprendre. Ce fait dotait cette doctrine d'une souplesse qui s'appliquait et se comprenait uniquement en accord avec l'instant et les circonstances. Cet élément en était un autre attrayant pour les guerriers qui virent ainsi un moyen de vivre dans le moment. Une autre réalisation importante du zen fut de préserver les lettres et les arts. Lors de la période tumultueuse du Sengoku au XVIe siècle, ce fut l'amour des moines zen pour ces disciplines qui assurèrent leur survie.

Le Shintoisme

Le shintô est un terme qui signifie la voie des dieux ou des Kami. Tous les esprits divins, bons ou malicieux, peuplant le Japon étaient nommés Kami. Le shintô serait aussi vieux que le Japon et explique sa naissance par une action des dieux. Izanagi et Izanami, deux divinités, auraient créé ensemble notre pays. On relève dans le shintô sept générations de divinités. Cependant, le syncrétisme avec les croyances populaires a fait naître une multitude de Kami impossible à dénombrer. Le shintô valorise de nombreuses vertus qui se sont intégrées au code du guerrier et furent promues plus fanatiquement dans celui-ci. Malgré cette valorisation, le shintô ne propose pas de code rigide de conduite. Cette apparente contradiction se comprend à l’aide du raisonnement suivant: puisque les dieux ont créé le Japon et ses habitants, ceux-ci sont également dotés d’une essence divine et, par conséquent, n’ont pas besoin d’une morale rigide pour les inciter à bien se conduire. Mais même les dieux peuvent être emportés par la passion et par la mort (eh oui, les dieux peuvent mourir dans le shintô), alors il y a tout de même des valeurs à privilégier. L’idéal shintoïste en est un de pureté spirituel. C’est pourquoi la purification revêt un rôle si important dans cette religion. L’homme se doit d’être pur s’il veut bénéficier de l’attention des Kami. Le rite de purification remonte à notre mythologie. Un dieu ayant séjourné au royaume des morts se lava dans l’eau d’un fleuve afin de se purifier.

Le shintô est une vieille religion qui fut énormément influencée par les nouvelles arrivantes. Ainsi, les Japonais furent, à un moment, incapables de différencier les éléments appartenant au shintô de ceux appartenant au bouddhisme. Finalement, il y eu une coupure ontologique. Le bouddhisme incombait tout ce qui concernait la vie après la mort tandis que le shintô s’occupait plus précisément de cette vie-ci .

Le Bushido

Bien que la première trace écrite du terme Bushido remonte au VIIIe siècle, c'est au XIIe siècle que le principe de la voie du guerrier fut véhiculé par la tradition orale. L'ensemble des préceptes qu'il intègre devra toutefois attendre le XVIIIe siècle avant d'être rédigé dans un seul manuscrit. C'est sous l'ordre du shogun Tokugawa Ieyasu que ce code de conduite fut écrit afin que soit officiellement définies les règles de vie que la classe guerrière devait respecter. Le Bushido s'inspira majoritairement de deux grandes œuvres. La première fut l'Hagakure Kikigaki, titre qui signifie «notes entendues à l'ombre des feuilles». La seconde fut le Gorin-no-sho, qui signifie «le traité des cinq roues».

L'Hagakure fut écrit par un jeune samouraï du nom de Tashiro Tsuramoto. Le jeune Tashiro n'est cependant pas l'auteur du manuscrit, son rôle fut uniquement celui de scribe. Le véritable puits de sagesse qui donna naissance au Hagakure fut Yamamoto Tsunetomo, un samouraï qui se retira de la vie guerrière pour devenir prêtre bouddhiste après que le gouvernement des Tokugawa lui ait interdit de se suicider pour rejoindre son maître dans la mort. Tashiro s'abreuva de l'enseignement de Yamamoto durant sept années. Convaincu que cette sagesse se devait d'être préservée, il rédigea l'Hagakure.

Le traité des cinq roues renferme pour sa part l'essence de la sagesse de Miyamoto Musashi. Rédigé quelques semaines avant sa mort, ce traité se divise en cinq chapitres. Chaque chapitre représente l'un des cinq éléments japonais; soit la terre, l'eau, le feu, le vent et le ciel. S'il est majoritairement un traité sur l'art de combattre au sabre, l'œuvre de Musashi demeure un ouvrage incontournable, une véritable leçon de vie pour tout samouraï désireux d'entreprendre le long cheminement qu'est la voie du guerrier. Musashi est un des rares ronin que je respecte. Cet homme consacra sa vie à l'apprentissage du sabre ainsi qu'à l'art subtil de la calligraphie et de la poésie. Il s'extirpa à mes yeux de l'honteux statut de ronin en fondant sa propre école ; l'école des deux sabres. Je ne suis pas le seul samouraï à admirer Musashi. Il est une légende inscrite dans notre histoire, un formidable héros, une partie intégrante de notre mythologie.

Étant donné qu'il consistait en une synthèse concise des principaux thèmes chers à la caste guerrière, puisée à même les religions qu'elle pratiquait, il devint presque l'égal d'une religion. L'homme qui étudiait sérieusement le code du guerrier et appliquait avec rigueur ses préceptes était appelé Bushi. Un bon Bushi pouvait se comparer à un pratiquant religieux. Le Bushido requérait une toute aussi grande dévotion que n'importe quelle religion, les principes qu'il dicte étaient tout autant un guide de conduite pour la vie terrestre que la vie spirituelle. Les vertus exaltées dans le code du guerrier sont au nombre de sept: la rectitude, le courage, la bonté, la politesse, la véracité, l'honneur, la fidélité. Ses sept vertus sont possibles grâce à une qualité morale essentielle: la maîtrise de soi.


Le Seppuku

Une de nos coutumes, probablement la plus incompréhensible aux yeux des cultures barbares, est celle de notre suicide rituel. La mort volontaire est communément appelée le Hara-Kiri. Cette appellation est un peu simpliste, elle n'est en fait que la lecture de deux idéogrammes japonais et signifie «ouverture du ventre». L'importance du Hara comme endroit de prédilection pour se donner la mort faisait référence à notre mythologie. Les entrailles, selon d'anciennes croyances anatomiques, étaient le siège de l'âme et des affections . Le Seppuku, terme chinois pour désigner la manière guerrière de se donner la mort, se ritualisa sous Minamoto no Yoritomo vers la fin du XIIe siècle et fut érigé en spectacle grandiose. Le gouvernement central tenta à quelques reprises d'interdire cette pratique jugée coûteuse en hommes de valeur. Étant donné sa dimension spectaculaire, et son utilité pour les maîtres, qui conférait aux derniers moments de la vie d'un samouraï un prestige sans égal, les législations échouèrent.

L'acte du Seppuku n'est compréhensible qu'à la lumière de ce qui fut dit précédemment au sujet de la conception de l'honneur, de la vie et de la mort. Il est important de comprendre que seul les guerriers samouraï avaient le privilège de recourir au Seppuku. La mort était donnée lentement et préférablement en public. Le samouraï dévêtait le haut de son corps et s'agenouillait sur une petite table déposée sur une toile blanche. La petite table évitait de chuter (déshonneur) lorsque la douleur atteignait son apogée.

Une fois bien positionné, et généralement après avoir lu un court poème ou prononcé ses dernières paroles, le samouraï saisissait son wakizashi ou son tanto (poignard) et d'un geste sec, déterminé, l'enfonçait dans son flanc gauche. Après cette première incision, le samouraï s'éventrait horizontalement, de gauche à droite, et retournait ensuite sa lame vers le haut. La plaie ainsi faite formait un «L». Rares sont ceux qui avaient encore la force de retirer leur lame et de se la planter dans le cœur ou la gorge. Lorsque le supplicié avait prouvé sa valeur et sa capacité à contrôler sa douleur, l'assistant (Kaishaku-nin), qui depuis le début de la cérémonie se tenait debout à ses côtés, le décapitait d'un coup de sabre. Le rôle d'assistant, considéré comme le plus grand honneur, était réservé à un ami ou un proche. Ce rôle délicat requérait une maîtrise de soi et du sabre sans égal. Il ne fallait pas intervenir trop tôt, ce qui ne laisserait pas le temps au samouraï de prouver son courage, ou trop tard, ce qui risquerait de compromettre la capacité du mourant à contrôler jusqu'à sa fin l'impassibilité de son visage. De plus, il était d'usage de laisser une mince lanière de peau afin que la tête soit toujours attachée au corps pour distinguer le Seppuku de la simple décapitation, châtiment réservé aux criminels quelconques.
Considéré comme le sommet de l'expression de la maîtrise de soi et du courage, un samouraï pouvait recourir au Seppuku pour laver son honneur avant de mourir et ainsi éviter une mort infamante. Un samouraï en profond désaccord avec son maître pouvait le lui manifester en préférant se donner la mort plutôt que d'accomplir son ordre. Un fidèle guerrier désireux de suivre son maître dans la mort pouvait se suicider, cette mort prenait alors le nom de Junshi. Le suicide, s'il était majoritairement volontaire, pouvait aussi être ordonné. Dans le cas où il était imposé, le suicide se nommait Tsumebara. Un samouraï pouvait être condamné à se suicider pour racheter une faute. Un maître capricieux pouvait ordonné, sans raison apparente, le suicide d'un guerrier qui, uniquement pour prouver sa fidélité et son impassibilité devant la mort, l'effectuait. Pour un vrai samouraï, se donner la mort pour de fausses raisons, même si la mort se perpétrait par Seppuku, était jugé un acte de lâcheté. Hâter la mort afin d'éviter une situation embarrassante consistait en une honte encore plus grande.

 
© Nicolas Mucci 2002 [ Haut ]